Instants de vie

Je suis partie avec un ami pour découvrir la Bolivie. Au fil du voyage, des ambiances et des rencontres, je croque: les lignes, les couleurs, le mouvement, la vie, par plaisir, sans contraintes d’aucune sorte. Hypnotisée par l’intensité du paysage: les volcans, des couleurs de la Puna*, des guanacos et des lamas,… je suis aspirée.

Talou

Jusqu’à ce que je n’y tienne plus. Je sors mon matériel et dessine la petite communauté nomade que nous avons formée durant les trois jours du voyage entre San Pedro de Atacama et Uyuni.

Poste frontière entre Chili et Bolivie

presque rien au milieu de nulle part…

Sur le marché d’Uyuni

Mouvement et couleurs m’attirent.
Je me pose et m’imprègne de son âme.
Quelqu’un déboule:
une cholita* avec son barda
dans son chariot.
Tout se passe très vite.
Des lignes, une impression graphique,
une alchimie.
Le temps de trois coups de feutre…
Disparu.
J’ai l’essentiel.

Une autre cholita avec sa
démarche chaloupée.
Je vois encore ses fesses onduler et ses nattes bouger. Peut être que j’invente ?
Je ne sais plus.

En arrêt devant une femme en train
d’épouiller sa fille

Ne pas être vue

Facile quand le mouvement est rapide,
comme pour la femme au chariot,
mais là, ils sont attablés en face de moi.
Nos regards se croisent.
Ils jouent le jeu.
Juste quelques traits.
Sentir jusqu’où je peux aller.

A la gare des bus de La Paz,

Des cubes de brique
faisant office de maisons.
À moitié construites,
jamais finies.
Chaos.
Derrière l’effet graphique
et les couleurs,
la grande pauvreté
suspendue aux laderas*.

M’assoir, et observer….

A la Paz, devant un puesto*,
la composition qui émerge des objets empilés m’émerveille:
lignes, formes, étagères monochromes.
Petits théâtres de marionnettes,
à chaque coin de rue.
Les vendeurs mettent l’essentiel
à la portée de tous,
mais de quoi vivent-ils ?

Plaza Murillo,

face au Palais du Gouvernement,
j’observe les cireurs de chaussures; intuition que cette scène est emblématique de la société bolivienne.

Au gré des nuages changent les paysages.
Ilot perdu de l’Altiplano*:
Curahuara
Pendant
dix jours
le temps s’arrête…

L’église abandonnée de Curahuara

Douceur des lignes cocon déserté par des paroissiens envolés?

Sur la place , une femme vient tous les jours vendre ses plats préparés. De son chargement elle sort une table et une chaise.

Je m’y installe.
J’ai de la place pour étaler mes feutres.
À l’aise,
j’observe.
J’ai tout mon temps…
Enfin.

Au delà de l’attente, l’immobilité…

Deux hommes discutent sur un banc devant la mairie.
Leur discussion (politique?) dure…
longtemps, pour une fois!

Deux cholitas papotent

Juste une petite odeur de
l’intérieur.
La porte vers l’ailleurs

La crevaison du minibus

qui nous mène au marché de Patacamaya
est une aubaine. Je regarde ses vingt-six passagers s’en extirper un à un,
et s’égailler sur les bas côtés.
Attente, partage, petits bonheurs.

Au cruce* de Patacamaya

En attendant le minibus pour Curahuara
des femmes se préparent à l’arrivée des passagers pour vendre leurs marchandises.
Unique source de revenu.

Portrait

Dans un minibus,
dont l’arrêt se prolonge,
je suis émue par le visage de l’homme
que j’aperçois entre deux vitres.
Proche et lointain
Un indien

La vie pas la norme.
Témoigner.
Dessiner, se remplir de l’instant.

Lama, la malice

Altiplano : haut plateau à 4000 m d’altitude à l’ouest de la Bolivie.
Cholita : femme d’origine indienne qui porte une jupe froncée
sur des jupons, et un chapeau melon.
Cruce : carrefour
Laderas : pentes. Ici les pentes qui descendent de l’Altiplano vers la vallée où est située La Paz.
Puesto : cahute au coin des rues où se vendent des objets du quotidien,
souvent à l’unité.
Puna : végétation rase de l’Altiplano.
Croquis: Talou Coron
Texte: Talou Coron avec la collaboration de Corinne Cohen
Infographie: Jean Pouwels